Les questions posées par l'inflation à la France

Publié le par Mohamed FELLAH

Tous les sondages le montrent, c’est d’abord la question du pouvoir d’achat qui intéresse les français et qui occupe à juste titre la première place dans l’ordre des priorités en ce début de campagne pour l’élection présidentielle. Préoccupation d’autant plus criante qu’elle est, depuis plusieurs mois, amplifiée par le phénomène de l’inflation observé depuis la fin de l’année 2021 et qui rogne chaque jour un peu plus le pouvoir d’achat des français.

Certes la hausse générale des prix relevée en France (2,8%) est inférieure à la moyenne des pays européens et reste très éloignée de celle affichée par exemple aux États-Unis, pays confronté à une inflation galopante qui culmine aujourd’hui à 7% ! Parmi les observateurs avertis nous retrouvons les plus optimistes. Ceux qui expliquent que la hausse du prix du « panier de la ménagère » trouve son origine dans l’explosion de la demande générale du fait de la réouverture de l’économie post COVID. Et donc que l’inflation sera de nouveau régulée avant la fin de l’année, au rythme d’une reprise pleine, entière, mais progressive de l’activité économique. Ici, la réponse gouvernementale, avec d’un côté une indemnité inflation (100 euros versés à 38 millions de français) et de l’autre le bouclier tarifaire (pour limiter la hausse du prix de l’électricité à 4%) paraît adaptée à un phénomène perçu comme conjoncturel.

Mais d’autres observateurs non moins sérieux évoquent l’aspect structurel et donc durable de la crise inflationniste que nous traversons. Pour eux l’origine de la crise est à recherche du côté de la politique monétaire non conventionnelle menée par la Banque Centrale européenne inaugurée à l’occasion de la crise de 2008 et amplifiée avec celle de 2020.

La pratique des taux d’intérêt en territoire négatif et surtout le programme sans précédent des rachats d’actifs (essentiellement des obligations d’État) mis en œuvre par l’institution monétaire européenne ont aujourd’hui un effet direct et durable sur l’économie réelle en influant sur les prix puis en accroissant notamment les inégalités[1].

A côté de cette question relative à la politique monétaire (et dont les candidats à la l’élection présidentielle devraient s’emparer) se pose celle de la stratégie de la France sur le plan énergétique. Car au cœur même de la dynamique inflationniste se niche un phénomène hyper inflationniste, celui relatif aux prix de l’énergie qui ont bondi de 26% en décembre dernier.

Sujet brulant et sensible quand on sait qu’il a été le détonateur de la crise des gilets jaunes en 2018 au moment où la hausse des prix du carburant devenait insupportable pour les français de la France périphérique, ceux qui sont contraints d’utiliser leur voiture dans leur vie quotidienne.

Contenir le prix d’une énergie demande à un État de limiter au maximum sa dépendance vis-à-vis des pays producteurs. Or, l'actualité met à nue la situation de la France. Notre pays n’étant producteur ni de pétrole ni de gaz (l’éolien ne représentant que 6% de la production dans le meilleur des cas) c’est sur le nucléaire que la France doit compter pour assurer un minimum d’autonomie et assumer un approvisionnement national tout en maîtrisant les prix. La réalité cruelle est que ces dernières années ce sont 11 réacteurs qui ont été mis à l’arrêt (faute d’entretien) et une centrale, celle de Fessenheim qui a été définitivement fermée. Le pays n’ayant plus d’autre alternative que d’importer massivement de l’électricité pour répondre à sa demande intérieure. Et l’avenir proche va accentuer cette politique de dénucléarisation puisqu’une loi de 2015 qui n’a pas été remise en cause prévoit la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025. Cette même stratégie d’abandon progressif du nucléaire a été engagée par notre voisin et partenaire, l’Allemagne, qui a accru d'autant sa dépendance envers la Russie son principal fournisseur de Gaz (ce qui explique le silence embarrassé du gouvernement allemand face à la crise Ukrainienne).

A l’heure où l’énergie va se raréfier du fait du développement des pays émergents il devient vital pour la France d’adopter une véritable stratégie de long terme pour rebâtir son mix énergétique et assurer ainsi son indépendance au risque de voir l’État se retrouver dans l’incapacité totale d’alimenter son propre marché intérieur sinon à des prix exorbitants…

 

MF

 

[1]« Que peut encore faire la Banque Centrale européenne » Conseil d’analyse économique – Juin 2021

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