Politique agricole commune : Préserver les acquis, relever les nouveaux défis.

Publié le par Mohamed FELLAH

En début d'année, la préfecture du Lot-et-garonne a été l'épicentre de la colère des agriculteurs

En ce début de campagne pour les élections européennes, mener des débats qui appréhendent les enjeux continentaux relève du tour de force. Constat d’autant plus vrai que l’extrême droite comme l’extrême gauche ont décidé de faire de ce rendez-vous électoral, un moyen de préparer les élections présidentielles qui auront lieu dans … trois ans ! En usant de cette stratégie dévastatrice pour le débat démocratique, ces organisations politiques, dont l’un des devoirs était ici d’apporter un éclairage aux citoyens sur les questions européennes, contiennent les Français au strict échelon national et les privent d’un débat sur les enjeux européens.

La question agricole est un nouvel exemple de cette incapacité collective que nous avons à poser les termes du débat à l’échelon européen. Et pourtant, la Politique Agricole Commune (PAC) est l’une des plus anciennes politiques, et celle qui est la plus intégrée de l’Union européenne. Elle a été créée dès 1962 et visait, à l’origine, à soutenir les agriculteurs, garantir la sécurité alimentaire, et stabiliser les marchés suite aux pénuries d’après-guerre. Depuis, et au cours des décennies, la PAC a évolué afin de s’adapter et d’être en capacité de répondre aux défis de son temps.

Son budget représente près du tiers du budget de l’Union européenne (388 milliards d’euros de 2023 à 2027) et le monde agricole français est le premier bénéficiaire des fonds de la PAC. L’idée que la contribution versée par la France (et donc par chaque pays européen) pour le fonctionnement de la PAC pourrait être nationalisée est un bel exemple de démagogie. Si tel était le cas, et au-delà de l’affaiblissement du principe de solidarité à l’origine de la construction européenne, cela mettrait fin à l’harmonisation des pratiques de chaque pays qui composent l’Union, notamment sur le plan sanitaire. Enfin, un budget agricole national ne serait pas sanctuarisé, comme c’est le cas à l’échelle européenne, et serait soumis, comme tout budget national, au douloureux exercice de la programmation budgétaire année après année.

Mais pour les agriculteurs français, la PAC représente bien plus qu’une simple source de financement, elle est surtout un vecteur de stabilité dans un secteur fortement marqué par l’incertitude (sécheresses, catastrophes naturelles, etc.). Nous avons tous en mémoire le soulèvement du monde agricole qui a marqué ce début d’année 2024, et soyons honnêtes, nombreux ont été les Français qui découvraient alors la réalité du monde paysan. Au-delà des revendications, ce mouvement a mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face aux chocs externes et l’importance de plus en plus pressante de leur offrir un véritable filet de sécurité. D’ailleurs, les mesures de soutien de la PAC apportées à l’issue de cette crise ont mis en lumière l’enjeu autour de la capacité d’une politique agricole forte et réactive au niveau européen.

Dans les années qui viennent, l’Europe doit continuer de renforcer sa politique agricole mais aussi intégrer les nouveaux défis auxquels le continent devra faire face, tout en prenant en compte la réalité que vit le monde paysan.

D’abord, oui, il y a nécessité de continuer à réformer la PAC, et non pas pour complexifier le système, mais pour le rendre moins indigeste, plus lisible et plus juste (notamment pour les petits exploitants). Même si nous avons observé des allégements depuis la crise qui a marqué ce début d’année, la PAC demande une forte contribution de l’agriculture aux objectifs de l’UE en matière d’environnement et de climat, tout en démultipliant les normes et en prévoyant les fameux plans stratégiques nationaux, laissant ainsi la voie ouverte aux excès normatifs en provenance des États (ce qui est le cas pour la France, championne d’Europe en la matière). Ces lourdeurs administratives rendant l’accès aux aides européennes très difficiles finissent par décourager les exploitants dont le métier n’est pas de traiter des dossiers tard dans la nuit après une longue journée de labeur…

Il faut ensuite accompagner le virage demandé par le Green Deal (Pacte Vert) afin que celui-ci ne soit pas subi par nos exploitants. L’exemple du très bon programme « de la ferme à la fourchette » en est une illustration. Il impose des normes sanitaires draconiennes aux exploitants, qui ne sont pas reprises dans le cadre des clauses miroirs. Ces mesures, couplées à la nécessité pour les exploitants de conserver 4% de leurs exploitations agricoles en jachère, nuisent à la compétitivité de nos paysans (en 20 ans, la France est passée de la 2ème à la 6ème place des exportateurs agricoles à l’échelle mondiale).

Enfin, c’est aussi à l’échelle européenne que doivent être harmonisées les pratiques concernant les traités internationaux avec l’idée du respect de la réciprocité en termes d’échanges commerciaux intercontinentaux, notamment sur les plans sanitaire et environnemental. Il faut d’ailleurs saluer la position française qui a pris la décision de ne pas ratifier le fameux traité du MERCOSUR, invitant ses interlocuteurs à faire converger ses pratiques d’exploitation vers celles organisées au sein de l’UE.

Autant d’enjeux dont chacun sait que c’est à l’échelle européenne qu’ils doivent être appréhendés.

Oui l’agriculture  et le monde agricole ont #Besoin d’Europe.

MF

 

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